Trafic d'enfants à des fins sexuelles : Body Shop s'engage dans la lutte
La chaîne parrainera l'organisme local Au-delà des frontières
Par Lindor Reynolds
30/07/2009
Un organisme de Winnipeg qui lutte contre le trafic d'enfants à des fins sexuelles est sur le point de recevoir un gros coup de pouce de la part d'une multinationale de produits de beauté. Au-delà des frontières, un organisme bénévole fondé par la Winnipegoise Rosalind Prober, est le bénéficiaire canadien d'une campagne internationale lancée aujourd'hui par la chaîne Body Shop.
Pour chaque tube de crème à mains Douceur & Cœur d'or (10 $) vendu au Canada, Body Shop remettra six dollars à Au-delà des frontières.
« C'est fabuleux!, s'exclame Mme Prober, présente à Toronto aujourd'hui pour le lancement de la campagne. Nous sommes encore si petits. Toutes nos activités reposent sur le bénévolat. Nous n'avons pas de bureau ni de téléphone. Nous allons recevoir beaucoup d'argent pour faire beaucoup de bien. »
Si cette campagne a vu le jour, c'est parce que Mme Prober et son conseil d'administration bénévole n'ont pas froid aux yeux.
En 2006 l'Université du Manitoba remettait un prix d'excellence en entrepreneurship international à la fondatrice de la chaîne Body Shop, Anita Roddick, à l'occasion de son « I.D.E.A Dinner ». Ce soir-là, un dirigeant d'Au-delà des frontières qui travaillait bénévolement à l'organisation de ce souper-bénéfice se présenta à Mme Roddick et lui parla avec émotion du fléau du tourisme pédophile dans le monde.
Mme Roddick, dont l'entreprise doit en partie sa réputation à son militantisme international, a épousé la cause.
« C'est une stratégie en deux volets, explique Shelley Simmons, directrice de la promotion de valeurs chez Body Shop. Certes, la collecte de fonds est essentielle, mais il n'est pas moins essentiel de sensibiliser la population au problème. »
La chaîne Body Shop lancera officiellement la campagne dans 60 pays le 3 août.
Dans chaque pays, les fonds seront versés à l'organisme affilié du réseau international ECPAT, qui lutte contre la prostitution juvénile et le trafic d'enfants à des fins sexuelles. Au-delà des frontières est l'affilié d'ECPAT au Canada, et Mme Prober fait partie du conseil d'administration.
« Il y a des gens qui agissent à l'échelon local pour faire changer les lois, souligne Mme Simmons à propos d'Au-delà des frontières. La sensibilisation est un agent de changement. Il y a des gens qui n'aiment pas parler de ces choses-là. Je pense que cette campagne de sensibilisation est très importante aux yeux de notre clientèle. »
C'est en grande partie grâce aux efforts d'Au-delà des frontières que le Canada a fait passer l'âge du consentement à 16 ans et ajouté l'infraction de leurre d'enfants dans le Code criminel.
La traite des personnes a été inscrite au Code criminel en 2005. Cette disposition interdit notamment de recruter ou de cacher une personne en vue de l'exploiter ou de faciliter son exploitation.
Depuis, il y a eu trois condamnations au Canada, toutes hors du Manitoba.
« Le trafic d'enfants n'implique pas nécessairement de déplacer les victimes, précise Mme Prober à propos de la loi. Il s'agit de les soumettre pour faire de l'argent avec elles. »
On estime que 400 enfants et adolescents seraient livrés au commerce du sexe à Winnipeg.
« À Winnipeg, on a ce groupe de jeunes gens vulnérables, on a un taux de toxicomanie élevé, des gangs de rue, et on a une demande. »
La campagne de Body Shop profitera aussi à un organisme sans but lucratif fondé par la Cambodgienne Somaly Mam. Vendue comme esclave sexuelle à l'âge de 12 ans, Mme Mam parvint à s'enfuir de son pays d'origine pour ensuite y revenir afin de lutter contre le trafic de femmes et d'enfants.
Son militantisme lui a valu d'être brutalisée et de recevoir des menaces de violence et de mort. En 2006, sa fille de 14 ans fut enlevée et violée par des tenanciers de bordel.
Une partie des recettes de la vente de sacs de coton et de boîtes-cadeaux dans les magasins Body Shop du monde entier sera versée à la fondation de Mme Mam.
À Winnipeg, Au-delà des frontières commence tranquillement à mettre ses plans à exécution pour l'utilisation des fonds recueillis, explique Mme Prober. La chaîne Body Shop se refuse à toute estimation quant aux sommes qui seront versées à chaque organisme affilié d'ECPAT, mais ce sera vraisemblablement dans les centaines de milliers de dollars durant les trois années de la campagne.
Au-delà des frontières a embauché son premier employé salarié pour veiller à une distribution efficace des fonds.
« La majeure partie des fonds que nous recueillerons reviendra aux enfants exploités sexuellement, souligne Mme Prober. On pourrait par exemple payer pour faire enlever le tatouage du nom d'un proxénète sur la main d'une fille. À l'échelon local, on veut aider les enfants du trafic à passer à une vie qui leur serait inaccessible sans aide. »
« Certains enfants du trafic, ceux qui ne finissent pas face contre terre dans un fossé, rencontrent toutes sortes d'obstacles en cherchant à vivre une vie normale. »
Mme Prober concède qu'elle est toujours ébahie du soutien de la chaîne Body Shop.
« Ça me dépasse qu'une grande société fasse autant d'efforts pour aider ECPAT à lutter contre l'exploitation sexuelle des enfants. »
Un tube de crème à la fois, Mme Prober veut répandre le message et sauver des enfants à la grandeur du pays.