Des esclaves sexuels dans les rues de Winnipeg
Par Ron Evans
En matière de droits de l'homme, l'asservissement sexuel des femmes et des enfants est un problème à dimension mondiale qui nous touche de très près au Manitoba et au Canada. Certes, le trafic de personnes à des fins d'exploitation sexuelle est monnaie courante dans certains pays comme la Thaïlande ou les pays en développement. Nul besoin toutefois de regarder si loin, car le problème existe aussi dans les rues de Winnipeg et d'autres villes, en particulier dans l'Ouest du pays.
L'exploitation sexuelle, lit-on sur le site internet de la campagne « Stoppez la prostitution juvénile », est le fait d'échanger des faveurs sexuelles contre de la nourriture, un toit, de la drogue, de l'alcool, de l'argent ou pour se faire accepter. « L'exploitation sexuelle n'est pas un choix de vie, lit-on encore; c'est un crime contre l'enfance ». Les données présentées sur ce site nous renseignent sur l'étendue du problème à Winnipeg et au Manitoba : environ 400 enfants et adolescents sont livrés à l'exploitation sexuelle dans les rues de Winnipeg chaque année; c'est à l'âge de 13 ans en moyenne que les enfants se font exploiter pour la première fois; la plupart des enfants et des adolescents exploités sexuellement (85-90 pour cent) sont de sexe féminin; 70-80 pour cent des adultes impliqués dans le commerce du sexe ont été exploités pour la première fois avant l'âge de 18 ans; la plupart des enfants et des adolescents exploités au Manitoba (70-80 pour cent) sont de descendance autochtone; et environ 72 pour cent étaient sous la tutelle des Services à l'enfance et à la famille.
Nous en savons vraisemblablement peu sur le trafic de personnes et l'ampleur du problème au Canada. S'il n'existe pas de définition universellement admise du trafic de personnes, le terme désigne essentiellement le recrutement, le transport et l'hébergement d'une personne dans le but de la tenir en esclavage, par la menace ou par la force, par abus de confiance ou de vulnérabilité, et sans son consentement libre et éclairé. On dit souvent que le trafic de personnes est la version moderne du trafic d'esclaves, et cette pratique est considérée de nos jours comme une violation des droits fondamentaux de l'homme.
Dans le Rapport mondial sur la traite de personnes publié par les Nations Unies en février 2009, on apprend que l'exploitation sexuelle est la forme de traite la plus communément détectée (79 pour cent). On apprend aussi que les victimes sont surtout des femmes et des filles, que la plupart des affaires de traite sont d'envergure nationale ou régionale, et que les Amériques sont à l'avant-plan autant comme lieu d'origine que comme lieu de destination des victimes.
Des rapports produits par les gouvernements des États-Unis et du Canada confirment que les femmes et les filles autochtones sont particulièrement menacées par le trafic de personnes à des fins d'exploitation sexuelle commerciale tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du Canada. D'autres études confirment que le trafic de personnes se pratique entre des villes canadiennes, notamment dans l'Ouest et y compris à Winnipeg, où des réseaux existent.
Il est temps que les Manitobains prennent conscience de ce problème grandissant sur la scène nationale. Combien de femmes et d'enfants disparus sont victimes du trafic de personnes? Au Manitoba, le gouvernement a lancé une stratégie provinciale de lutte contre l'exploitation sexuelle des enfants et des adolescents en 2002. Le 13 novembre 2008, moi et d'autres représentants de l'Assembly of Manitoba Chiefs (AMC) avons profité d'une activité de la campagne Stoppez la prostitution juvénile et d'une table ronde sur l'exploitation sexuelle des jeunes et des enfants pour faire valoir la nécessité de déployer cette stratégie dans les réserves et demander au fédéral d'agir immédiatement dans ce dossier.
Le Canada s'efforce de punir ceux qui se livrent au trafic de personnes, mais il n'est pas moins nécessaire de sensibiliser la population afin d'en protéger les membres les plus vulnérables contre l'esclavagisme des temps modernes.
Avis à tous les jeunes. Le trafic de personnes n'est pas une réalité qui nous est étrangère. Le trafic de personnes se pratique ici même au Canada, et les victimes se font enrôler le plus souvent par une personne de confiance ou des gens qui leur promettent une vie meilleure, un nouvel emploi ou un nouveau départ. Ces gens-là recrutent dans les villes et même dans les communautés autochtones. Méfiez-vous de toute personne qui vous promet quelque chose qui vous paraît trop beau pour être vrai. Renseignez-vous comme il le faut sur toute personne qui vous fait des offres d'emploi imprécises. Si vous avez accès à Internet, googlez l'entreprise, repérez son numéro de téléphone ou demandez tout simplement autour de vous si quelqu'un sait quelque chose de cette entreprise. Si vous craignez être en danger immédiat, appelez la police.
Prenez les moyens nécessaires pour vous protéger vous et les personnes qui vous son chères. Il est essentiel de sensibiliser davantage la population au trafic de personnes si l'on combattre cette pratique et mettre un frein à l'exploitation sexuelle.
Ron Evans est le grand chef de l'AMC.